HIDEYUKI ISHIBASHI PORTRAITS


EXPOSITION DU 6 FÉVRIER AU 29 MARS 2025
VERNISSAGE JEUDI 6 FÉVRIER 2025 (18H-21H)

Après le succès remarquable de la série « Présage » exposée à la galerie en 2019, l’artiste japonais Hideyuki Ishibashi revient avec une exposition poignante intitulée « Portraits », du 6 février au 29 mars 2025.

Kyoto, 1916. Dans la région de Gojozaka, la poterie est une industrie prospère. On y rencontre une communauté de potiers spécialisés dans l’art du Kyo-yaki, une technique artisanale de céramique datant du Ve siècle. À pleine capacité, une vingtaine de fours à bois sont mis en marche chaque jour, enrobant les ruelles, commerces et résidences avoisinantes d'une odeur de bois de pin brûlé. À l’ère de l'automatisation et de l’industrialisation des modes de production, cet essor commercial témoigne bien de l'importance que la nation accorde aux techniques ancestrales. Chaque pièce, conçue avec la plus grande attention, reflète ainsi l'histoire et le mode de vie d’un peuple. C’est dans ce contexte que l’histoire de l’entreprise Fujihira Togei commence. La compagnie ne le savait pas encore, mais ses céramiques entreraient un jour dans le domaine patrimonial du Japon.

Nous sommes maintenant en 1944, au cœur de la Seconde Guerre mondiale. Le Japon est aux prises avec un manque de matières premières, incapable de continuer la production d’armes militaires à base de métal. Sous les ordres de l’armée, les usines de poteries sont mobilisées à la fabrication de grenades en céramique. Si tôt, bien que contraints, les potiers de Fujihira Togei s'attellent à la tâche. En raison d'une grave pénurie de main-d'œuvre, des écolières se joindront à eux. Dans le plus étrange des contextes, le savoir-faire propre à la réalisation des Kyo-yaki est transmis. Il en résulte une série de grenades faites à la main. Chacune est imparfaite, singulière en taille et en poids. Chacune est émaillée, comme un gage d’attention esthétique propre aux objets habituellement produits par cette méthode ancienne. À la fin de la guerre, les traces matérielles de cette histoire auraient dû disparaître, n'exister que dans les récits. Et pourtant, plutôt que détruire les grenades restantes, tel qu’il l’avait été ordonné par l’armée, quelques 240 grenades sont enterrées dans une caisse scellée, à quelques mètres sous terre, près de l’usine.

Ce n’est qu’en 2016, dans le cadre d’un projet de construction près de l’atelier de céramique, que cette caisse reverra le jour. La découverte, dont la valeur historique est immense, rassemble les autorités et les archéologues, qui entament très rapidement des fouilles sur tout le site. Alors que les usines de poterie se font de plus en plus rares, et qu’il ne reste plus que quatre fours artisanaux dans la région, la préservation historique et culturelle du patrimoine de Gojozaka devient primordiale. Ainsi, après avoir gagné un appel à projet de recherche-création organisé en collaboration avec l’Institut français du Japon à Kansai et Le Fresnoy, l’artiste japonais Hideyuki Ishibashi se lance à la poursuite de la mémoire de Fujihira Togei. D’abord, le désir d'exposer les grenades à la lumière du Soleil, qu'elles n'ont pas vue depuis la fin de la guerre, conduit le photographe à l'idée de fixer leur ombre. Pour ce faire, à différentes heures du jour, Hideyuki Ishibashi pose sur une feuille badigeonnée de cyanotype chacune des 240 grenades, l’une après l’autre. Dans leur ensemble, toutes marquées par une heure d’exposition, les images expriment à même le papier la présence du temps qui pèse sur ces grenades. Puis, utilisant ces cyanotypes en guise de négatifs, l’artiste produit des tirages à la gomme bichromatée à partir de la terre trouvée dans la caisse et de la suie laissée dans les fours de l’usine. C’est ainsi que naît une série de photographies chargée d’histoire, qui, entre l’ombre et la lumière, fait vaciller la représentation du réel et évoque de façon remarquable l’empreinte du temps.

Dans cette exposition personnelle d’Hideyuki Ishibashi, intitulée « Portraits », nous présentons du 6 février au 29 mars, une sélection de cinquante de ces tirages exceptionnels. Par une scénographie réfléchie, cet opus recrée le récit comme il l’est raconté visuellement par le photographe : celle d’une usine de poterie à Kyoto, celle d’une technique ancestrale passée de génération en génération, mais aussi celle d’un groupe d’écolières dont l’histoire aurait pu rester enfouie à jamais. Dans la singularité propre de chacune des grenades, leur portrait.

Hideyuki Ishibashi est né à Kobe, au Japon, en 1986. Il a obtenu un BFA au Nihon University College of Art, faculté de photographie en 2009, à Tokyo, et au Fresnoy - Studio national des arts contemporains (promotion Chantal Akerman) en 2018. Son travail, qui s'exprime principalement par la photographie, a été présenté lors d'événements internationaux tels que Paris Photo, le Unseen Photo Festival et Breda Photo, ainsi que lors d'expositions individuelles et collectives au Japon, en Corée du Sud, en Angleterre, en Espagne, en France, en Allemagne, en Belgique et en Hollande. Son premier livre d'artiste « Présage » a été publié par IMA Photobooks en 2015, et son deuxième ouvrage « Other Voices » a été publié par the (M) éditions en 2019.

L’artiste souhaite remercier vivement les partneraire suivants pour leur précieux soutien : Institut français du Japon – Kansai, Villa Kujoyama, Fondation Bettencourt Schueller, Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains, Conseil de l'éducation de la préfecture de Kyoto, MUZ Art produce, Poterie de Fujihira, Université de Ritsumeikan, Musée de Kyoto pour la paix mondiale, Université de Kyoto Seika, Beaux-arts de Kyoto, Emon, Inc., DMG Mori Co.,Ltd, Kujime/ Kyoritsu Dr’s Lab. Inc., et by 164 PARIS/Lou Lou Co.Ltd.