L’EFFACEMENT
PAR MORVARID K
Nous sommes heureux de vous présenter aujourd’hui , dans le cadre d'une viewing room spéciale, une oeuvre qui l'est tout autant. L’oeuvre, intitulée “L’effacement", a été réalisée par Morvarid K en 2016, et si, à première vue, on peut douter de son caractère photographique, elle l’est pourtant sans conteste !
Effacer, c’est ôter la face, retirer de l’équation, faire disparaître, invoquer l’oubli, faire comme si cela n’avait jamais existé.
Pour remonter le temps, le défier et prendre la main sur un passé qui affecte le présent, Morvarid K choisit l’une des photographies de sa série « Blue Sky », prise en 2015. Durant 26 heures, elle s’acharne, telle un bourreau, à effacer l’encre incrustée dans le papier. Inlassablement, en prenant garde d’épargner le papier car en effet, c’est l’image, et donc l’encre seule, qu’elle cherche à gommer.
En vain.
Comme un coup d’épée dans l’eau, l’effacement ne parvient pas à prendre la main sur le temps. Le temps défile et en passant il transforme tout.
Au lieu de disparaître, la chose se métamorphose. L’image continue d’exister sous une forme nouvelle. Elle est devenue abstraite, désormais contenue dans les résidus de gomme. Reste le souvenir de la forme initiale de l’image et la résilience de son existence absolue.
"J'ai essayé d'effacer, de supprimer la (sur)face, de retirer l'image de l'équation, de la faire disparaître, de nous faire oublier, comme si elle n'avait jamais existé.
Mais au lieu de cela, dans une tentative de défier le temps, je me suis simplement emparé du passé et j'ai affecté le présent."
26 heures pour interroger l'une des composantes essentielles de l'œuvre de Morvarid : sa relation à la mémoire et au temps.
L’oeuvre
L’artiste
Artiste plasticienne et performeuse, Morvarid K est née à Téhéran en 1982 et bien qu’elle ait quitté l’Iran relativement tôt, son attachement à l’identité iranienne est fondateur de son rapport au monde et de sa sensibilité artistique.
À travers la manipulation de la matière photographique, son travail questionne notre relation au monde, la mémoire transformatrice et l’entre-deux. Le support photographique est le point de départ, il ancre son travail dans la réalité, tandis que les techniques de superposition et de transformation apportent les expressions supplémentaires que la photographie ne saurait capturer. Le tirage devient un matériau, une étape dans le processus créatif, avant que le geste, ou l’expérience performative ne viennent compléter l’œuvre. La définition que Laurent Derobert, mathématicien existentiel, donne au mot "manque" est au cœur de sa pratique artistique : présence infinie de l’absence.
Morvarid K vit et travaille à Bordeaux et Berlin.